Canada's NDP

Skip to main content

19 février 2013

Redéfinir l’investissement étranger direct au 21e siècle

Discours de Thomas Mulcair à la Chambre de commerce de Calgary

Je crois que vous allez vous apercevoir, au cours des 20 prochaines minutes, que nos points de vue sur ces enjeux sont semblables à bien des égards.

Et je voudrais vous rassurer d’entrée de jeu : le ciel ne va pas nous tomber sur la tête.

Le Canada s’est bâti, en partie, grâce au commerce.

En raison de la demande élevée pour beaucoup de nos richesses naturelles, il est tout à fait normal que d’autres États cherchent à investir ici.

Cela a évidemment des avantages pour les deux parties.

Comme d’autres pays comptent sur les ressources canadiennes, le Canada compte sur l’investissement étranger pour faire croître son économie et mettre en valeur ses ressources.

Au cours de la dernière décennie, des pays asiatiques ayant besoin de ressources sont devenus des joueurs de premier plan sur le marché mondial.

Durant les deux dernières années seulement, des sociétés d’État chinoises comme PetroChina et CNOOC ont investi plus de 10 milliards de dollars dans le secteur pétrolier et gazier du Canada.

Cette tendance devrait s’accroître. En fait, selon le Conference Board du Canada, d’ici 2020, la Chine sera devenue le deuxième investisseur en importance au pays, principalement dans le pétrole et le gaz.

Ceci représente tant une occasion qu’un défi incroyable, pour les compagnies canadiennes comme pour les législateurs.

Si l'on fait bien les choses, l’investissement étranger direct peut s’avérer un bienfait pour l’économie du Canada au XXIe siècle.

Mais cela requiert une vision cohérente et stratégique afin de créer l’environnement souhaité pour l’investissement étranger, tout en sauvegardant les intérêts du Canada.

Malheureusement, ce que nous constatons c’est que le gouvernement actuel n’a ni vision ni compréhension de cette réalité… Que de l’incompétence pure.

Il semble que le gouvernement conservateur ne comprend pas la situation actuelle, ou qu’il n’est tout simplement pas préparé à y faire face.

Rappelez-vous qu’en 2010, les conservateurs ont appuyé à l’unanimité une motion néo-démocrate qui demandait une définition plus claire de l’«avantage net » et un processus de révision de l’investissement plus transparent.

Le premier ministre, et le ministre de l’Industrie de l’époque, Tony Clement, ont tous deux promis de clarifier la signification de l’«avantage net » dans la Loi sur Investissement Canada.

Pourtant, deux ans après avoir fait cette promesse, les conservateurs continuent à inventer les règles au fur et à mesure des circonstances.

Bien sûr, il n’y a pas que les néo-démocrates qui demandent des clarifications.

Dans les faits, les règles régissant l’investissement étranger au Canada n’ont pas fait l’objet d’une révision en profondeur depuis près de 30 ans.

Les investisseurs, tout comme les Canadiens, se plaignent depuis longtemps du fait qu’en raison de son ambiguïté, la Loi sur Investissement Canada ne répond tout simplement pas aux besoins du commerce et de l’investissement au XXIe siècle.

Au mois de décembre, Ben Brunnen, l’économiste en chef de votre Chambre de commerce, déclarait, et je cite : « Il est important que nous modernisions et corrigions nos règles… parce que si nous ne le faisons pas, nous allons faire peur à certains grands partenaires et investisseurs commerciaux potentiels. » [tr]

Cependant, plutôt que d’être clair et visionnaire, le régime d’investissement étranger du Canada continue d’être marqué par un processus d’approbation confus et lent.

Les annonces sont faites en pleine nuit, les investisseurs se démènent pour comprendre et les marchés sont plongés dans le chaos.

Ce n’est pas ainsi que l'on gère un pays du G8, particulièrement un pays qui a décidé de faire du commerce et de l’investissement les piliers de sa croissance.

Cette incompétence a atteint des sommets, à la fin de l’année dernière, lors des tentatives d’acquisition par Petronas et CNOOC.

Nous avions là deux sociétés d’État sollicitant une participation dans l’un des secteurs économiques les plus vitaux du Canada.

Dans le cas de CNOOC, l’offre était la plus importante jamais faite par une société d’État étrangère de toute l’histoire de notre pays et avait d’immenses implications.

Lorsque ces offres ont été annoncées, le NPD a demandé immédiatement des consultations publiques au sujet des deux transactions, de même qu’une révision complète et transparente de la Loi sur Investissement Canada, tel que l’avaient promis les conservateurs en 2010.

Nous avons plutôt eu droit à des discussions tenues en secret, sans règles ou directives claires, et dans le cas de Petronas, un premier rejet de l’offre a été annoncé au milieu de la nuit.

Le directeur général de Petronas a déploré en novembre n’avoir reçu aucune information sur la manière dont l’offre de sa compagnie serait évaluée. Il a déclaré au Wall Street Journal : « Actuellement, personne dans l’industrie en le sait. » [tr]

Cela ne devrait pas nous surprendre, mais c’est inquiétant.

Quelques semaines plus tard, après une conférence de presse retardée à plusieurs reprises, le premier ministre a changé de position et approuvé les offres de Petronas et de CNOOC.

De façon remarquable, il est parvenu à mettre le public en garde contre les investissements de sociétés d’État étrangères dans des secteurs clés au Canada, tout en approuvant ces deux investissements.

Plutôt que de clarifier la notion d'« avantage net », M. Harper n’a fait qu’ajouter à la confusion.

Le premier ministre a déclaré qu’à l’avenir, les acquisitions par des sociétés d’État étrangères ne seraient plus permises à moins, à moins de « circonstances exceptionnelles ».

Bien entendu, M. Harper n’a pas précisé ce qu’il entendait par « circonstances exceptionnelles ».

Ainsi, au lieu de disposer d’informations plus claires afin de guider les investisseurs sur le marché canadien, nous en avons moins.

En réalité, les offres de Petronas et de CNOOC ont été approuvées selon de vieilles règles de révision de l’investissement, sans nouvelles conditions.

Il n’y a pas eu de consultations, pas de débats publics et les engagements pris par les acheteurs pourraient ne jamais être dévoilés, encore moins appliqués.

Le gouvernement conservateur a même ignoré la requête du gouvernement de l’Alberta qui demandait que l’accord avec CNOOC garantisse que :

  • 50 pour cent des postes de gestionnaires soient occupés par des Canadiens;
  • l’effectif soit maintenu au même niveau durant au moins 5 ans;
  • Les investissements en capital deviennent une priorité.

Les investisseurs qui espéraient que ces deux importantes prises de contrôle forceraient finalement le gouvernement à clarifier les règles sur l’investissement étranger ont été profondément déçus.

Le NPD s’inquiète particulièrement des conséquences sur les activités de CNOOC de la ratification éventuelle de l’Accord sur la promotion et la protection des investissements avec la Chine.

Cet accord a été négocié par le gouvernement fédéral dans le secret le plus complet, sans consultation et sans débat au Parlement, et il engage le Canada pour une durée de 31 ans.

En vertu de l’article 6 de l’APIE, lorsqu’une compagnie chinoise s’établit au Canada, elle doit recevoir un « traitement national » en ce qui concerne son expansion et ses activités, ce qui veut dire qu’elle doit être traitée comme une compagnie canadienne.

Cette clause d’extrême importance accorde à CNOOC le droit considérable d’étendre sa propriété dans les secteurs pétrolier et gazier du Canada comme toute compagnie canadienne pourrait le faire.

L’accord va encore plus loin en fournissant à la Chine un mécanisme lui permettant de poursuivre le gouvernement fédéral pour des sommes pouvant atteindre des milliards de dollars si son droit d’étendre ses intérêts dans les sables bitumineux est entravé de quelque manière que ce soit.

Nos politiques sur le développement de nos ressources, nos lois environnementales et même notre politique économique pourraient être contestées en cour si elles interfèrent avec les plans d’expansion de CNOOC.

Selon les conditions de l’APIE, les causes seraient entendues en secret, devant un tribunal d’arbitrage international, en dehors du cadre de la loi canadienne.

Bien sûr, ces conséquences dépassent de beaucoup les compétences fédérales.

Les richesses naturelles, comme vous le savez, sont de compétence provinciale au Canada.

Ainsi, en signant unilatéralement un traité international, dans un secteur qui relève des provinces, le gouvernement s’expose à des risques énormes et lie les mains de provinces comme l’Alberta.

Ensemble, l’APIE et l’offre de CNOOC ont pour effet de priver l’Alberta de sa capacité d’établir sa propre politique au sujet des richesses naturelles au profit d’une puissance étrangère.

Malheureusement, les ministres conservateurs semblent avoir mal évalué ceci… ou peut-être qu’ils ne comprennent tout simplement pas le document qu’ils ont signé.

Quand ils ont été interrogés au Parlement au sujet de ces dispositions, les conservateurs ont répondu que la Loi sur Investissement Canada continuerait de s’appliquer dans le cas de futures offres d’achat publiques, apparemment sans comprendre la différence fondamentale entre acquisition et expansion.

Il est vrai que les investissements étrangers sont toujours soumis à la Loi sur Investissement Canada lorsqu’ils atteignent un certain seuil, mais CNOOC, qui a déjà une porte d’entrée dans les sables bitumineux et qui a désormais les mêmes droits qu’une compagnie canadienne, ne sera pas soumise à ces règles.

Pour être franc, les conséquences sur notre souveraineté nationale, sur notre système fédéral et sur notre potentiel économique sont désolantes.

Il est intéressant que les conservateurs, qui défendent l’APIE avec acharnement, n’aient pas encore ratifié cet accord.

Ils auraient pu le faire depuis novembre dernier.

Je me demande s’ils n’ont pas eu un déclic soudain et qu’ils ont réalisé ce dans quoi ils nous ont embarqués.

Le NPD souhaite aider le Canada à prendre sa place dans l’économie mondiale du XXIe siècle, avec des principes clairs, des politiques claires et des objectifs clairs.

Le NPD souhaite l’abolition des obstacles au commerce, une diminution des tarifs et une réduction du protectionnisme.

Et nous croyons que le gouvernement a un rôle à jouer dans la création d’un environnement prévisible et clair auquel les investisseurs peuvent se fier.

Mais nous croyons aussi que notre gouvernement doit d’abord et avant tout promouvoir les intérêts des Canadiens, plutôt que de faire preuve d’obsession idéologique.

Comme l’a dit la première ministre de l’Alberta, Mme Redford, nous devons avoir une « conversation nationale » sur la façon de développer nos richesses naturelles, y compris sur le rôle de l’investissement étranger.

En tant que néo-démocrates, nous croyons en un développement durable à long terme, qui va créer de la richesse et de la prospérité ici, dans l’Ouest…

Pas seulement aujourd’hui, mais pour les générations à venir.

Cela veut dire bâtir une économie diversifiée qui inclut des emplois à valeur ajoutée et des industries d’exportation prospères.

Cela veut dire mettre en valeur et raffiner nos richesses naturelles ici même, en Alberta, plutôt que de construire des oléoducs pour acheminer du pétrole brut outre-mer.

Cela veut dire faire payer les pollueurs pour la pollution qu’ils génèrent, plutôt que de remettre le fardeau du nettoyage aux générations à venir.

Et veut dire élaborer une vision cohérente et stratégique qui créé le un climat favorable à l’investissement étranger tout en assurant un « avantage net » bien défini pour le Canada.

L’industrie commence aussi à s’apercevoir que l’on ne peut pas négliger ces principes essentiels.

Il peut sembler facile de développer des projets d’exploitation des richesses naturelles lorsque les évaluations environnementales et les permis réglementaires sont préapprouvés…

Il peut sembler facile de développer ces projets à l’aide d’investissements étrangers sans condition qui n’incluent pas un « avantage net »…

Mais pour prospérer au XXIe siècle, les entreprises doivent non seulement obtenir un permis réglementaire, elles doivent aussi avoir un permis social.

Et ce sont les dirigeants du monde des affaires qui sont les mieux placés pour comprendre les risques.

Au cours d’une entrevue récente avec La Presse Canadienne, le PDG de TransCanada, Russ Girling, a été d’une rare franchise à cet égard.

Il a raconté comment sa compagnie a injecté 2,5 milliards de dollars dans le projet Keystone-XL, avant que l’opposition du public aux États-Unis ne fasse tout plonger dans le chaos.

Reconnaissant l’impact de ce revirement de situation, Russ Girling a parlé sans détour. Il a déclaré : « Nous ne commettrons plus pareille erreur. » [tr]

Il serait facile de dire que cette situation découle de décisions politiques prises aux États-Unis, des décisions au sujet desquelles nous avons peu à dire, mais rappelons-nous que l’opposition au projet Keystone-XL est née d’une perception.

Au XXIe siècle, la perception – le fait de savoir – que le développement des ressources au Canada adhère aux principes fondamentaux du développement durable permettra de protéger non seulement notre environnement, mais aussi la place du Canada sur le marché mondial.

Au cours de la prochaine décennie, les entreprises chinoises pourraient investir plus de mille milliards de dollars pour obtenir l’accès aux ressources et aux technologies qui y sont liées.

Le Canada pourrait en profiter, mais nous devons être prêts. Nous devons créer de la sécurité plutôt que de semer l’incertitude.

Des règles stables et prévisibles pour un développement durable des ressources doivent servir de fondement à ce climat sécuritaire.

Cela doit commencer par une révision publique complète de la Loi sur Investissement Canada, ce que réclame le Nouveau Parti démocratique depuis des années.

Je suis heureux de savoir que c’est aussi ce que le gouvernement de l’Alberta et cette Chambre de commerce souhaitent.

En décembre, notre parti a fait écho à la demande de votre organisme en présentant une motion à la Chambre des communes qui demande au gouvernement fédéral :

  • De clarifier le critère d’« avantage net »;
  • D’inclure des paramètres concernant la réciprocité;
  • D’accroître la transparence du processus décisionnel;
  • D’établir des critères précis à respecter à l’intention des sociétés qui veulent investir ici.

Le temps est venu d’avoir une discussion sérieuse au sujet de ce qui constitue un avantage net, en mettant l’accent sur l’impact des investissements étrangers sur nos emplois, nos régimes de retraite et sur les nouvelles dépenses en immobilisation.

Le NPD s’est opposé vigoureusement à la hausse considérable du seuil déclenchant une révision automatique des acquisitions étrangères.

En vertu des nouvelles règles, des dizaines d’acquisitions importantes seraient approuvées chaque année sans que leurs avantages pour le Canada ou leurs conséquences sur notre économie soient évalués.

C’est inacceptable.

Un gouvernement du NPD accroîtrait la transparence du processus de décision entourant les prises de contrôle étrangères, garantirait des consultations publiques approfondies auprès des communautés touchées et ferait en sorte que toutes les transactions majeures soient soumises au test de l’avantage net.

Nous ferions aussi en sorte que les engagements pris par les investisseurs étrangers soient non seulement rendus publics, mais aussi respectés.

Les conservateurs ont vraiment un bilan peu reluisant en ce qui concerne l’application des engagements pris par les compagnies étrangères.

Les prises de contrôle d’Inco, de Stelco, de Falconbridge et d’autres ont été précédées de promesses rassurantes, mais suivies de mises à pied massives dans des communautés dévastées.

Nous pouvons faire les choses autrement.

De nos jours, notre monde est plus interdépendant que jamais. Les frontières économiques ont presque toutes disparu. L’information circule plus librement que jamais auparavant.

En disant clairement ce que nous attendons des investisseurs potentiels, en sachant ce que nous voulons pour nous-mêmes, nous augmentons notre capacité d’être concurrentiels et d’attirer de bons investissements étrangers.

Le type d’investissements qui va renforcer notre économie et faire du Canada un chef de file mondial au XXIe siècle.

Ce qui manque à Ottawa, ce ne sont pas des solutions aux défis qui se présentent, mais le courage politique de les adopter.

Le NPD continuera d’être un défenseur acharné du développement économique… pourvu que ce soit un développement durable.

Nous allons être d’ardents partisans d’un commerce plus fort, pourvu que ce soit un commerce juste et réciproque.

Et, bien entendu, nous allons continuer à travailler de concert avec ceux qui partagent la vision d’un Canada plus juste, plus vert et plus prospère, pourvu que cette prospérité profite à tous.

Merci.

[La version prononcée fait foi.]