Canada's NDP

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5 avril 2012

Un Canada plus juste et un monde meilleur

Discours de Thomas Mulcair à la Club économique du Canada à Ottawa

Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour discuter du budget 2012, avec un groupe de gens qui s’y connaissent particulièrement bien en matière de politiques économiques.

Depuis jeudi dernier, nous tentons tous d’analyser l’impact de ce budget et de voir comment il va transformer nos vies.

Il peut être révélateur de constater que l’un des aspects du budget dont on a le plus parlé…

… est l’élimination de la pièce d'un cent.

Après tout, un budget gouvernemental est la plus grande expression d’intention – la plus grande manifestation de la vision d’un pays.

L’élimination de la « cenne » est peut-être une politique avisée, mais ce n’est pas le genre de décision apte à soutenir un ordre du jour national ambitieux.

Les gouvernements antérieurs, de toutes allégeances, ont fait de la présentation du budget un appel à l’action, un moyen de se rappeler tout ce qu’on peut accomplir en tant que Canadiens.

Mais il est de plus en plus évident que la vision du gouvernement actuel ne s’appuie pas sur ce qu’on peut faire, mais plutôt sur ce qu’on ne peut pas faire.

Pour justifier ses coupes en santé et dans la sécurité de la vieillesse, M. Harper explique que ces services – services assurés aux Canadiens depuis des générations – sont devenus trop coûteux et insoutenables.

En réalité, et en dépit de budgets gouvernementaux contraignants et de conditions économiques ardues, la capacité de notre économie a doublé au cours des 40 dernières années – même en tenant compte de l’inflation et de la croissance de la population.

Nous pouvons faire encore mieux, mais M. Harper nous dit qu’il faut nous contenter de moins – il nous dit que nos enfants devront se contenter de moins.

Ceci survient au moment où la pression sur la classe moyenne ne cesse de s’accentuer. Depuis 35 ans, les revenus après impôts des 20 pour cent de ceux qui gagnent le plus ont augmenté substantiellement. Ceux des 80 pour cent restants ont baissé.

En fait, si rien ne change, nous serons la première génération à en laisser moins à nos enfants que ce que nous avons reçu de nos parents.

M. Harper affirme que pour sauvegarder nos services publics les plus indispensables, il faut les sabrer. En d’autres mots : pour sauver le village, il faut le raser par le feu.

En fait, les politiques du gouvernement actuel sont en train de générer la plus grande dette sociale, économique et environnementale de l’histoire de notre pays – une dette que les générations futures devront porter. Et le gouvernement conservateur est entièrement responsable de ce problème.

Après des années de réductions inconsidérées de taxes, le Canada n’a plus de marge de manœuvre en périodes économiques difficiles.

Ce gouvernement a étouffé la capacité budgétaire du Canada.

M. Harper a provoqué un déficit, et il décide maintenant de réduire les services pour tenter de régler un problème qu’il a lui-même créé.

Et ce n’est pas tout.

Ensemble, les libéraux et les conservateurs ont puisé plus de 50 milliards de dollars de la caisse d’assurance emploi, afin d’accorder des allégements fiscaux irréfléchis aux entreprises. Et ce ne sont pas que les travailleurs qui devraient s’en préoccuper.

Ce sont maintenant les entreprises qui paient les conséquences de ce pillage de la caisse d’assurances emploi, en voyant leurs cotisations augmenter année, après année, après année.

Si vous possédez une petite entreprise qui ne paient pas à l’impôt des sociétés, ou si vous dirigez une grande entreprise qui n’a pas fait de profits ces dernières années, les allégements fiscaux de M. Harper ne vous avantagent pas – c’est plutôt vous qui payez la facture.

Le manque de clairvoyance du gouvernement actuel dépasse de loin la simple question des politiques fiscales.

Ses politiques économiques et environnementales malavisées sont en train de déstabiliser l’économie que les Canadiens ont bâtie durant les 50 ans qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale.

Au cours des 20 dernières années, nous avons vu notre secteur manufacturier s’effondrer. Mais contrairement à l’opinion populaire, ce ne sont pas exclusivement les accords de libre-échange qui ont incité les entreprises à déménager des emplois canadiens bien rémunérés vers des marchés étrangers moins coûteux.

La hausse du prix du pétrole, ajoutée aux milliards de dollars d’aide à l’industrie pétrolière et gazière, ont entraîné une augmentation artificielle de la valeur du dollar canadien.

D’après l’étude d’un économiste de l’Université d’Ottawa, ces dernières années, la surévaluation du dollar canadien a été responsable de 40 pour cent des pertes d’emploi dans le secteur manufacturier – plus que la sous-traitance, la récession ou le taux d’imposition des entreprises.

À la suite de la conclusion, par le Canada, de son premier traité de libre-échange, avec les États-Unis, les exportations ont grimpé jusqu’à constituer 44 pour cent de l’économie du pays.

Mais en seulement 10 ans, la hausse de la valeur du dollar canadien a balayé la moitié de cette augmentation des exportations – et la situation des entreprises désavantagées par le libre-échange ne s’est pas améliorée.

Durant ces années, des pans entiers de notre économie -- la foresterie, les pêches et le secteur manufacturier --, ont subi un déclin de 40 à 45 pour cent, alors que l’industrie de l’extraction des ressources, incluant le pétrole et le gaz, a connu une croissance de 70 pour cent.

Depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs, nous avons perdu plus de 500 000 emplois manufacturiers bien payés.

Comme certains d’entre vous le savent bien, ce phénomène est connu sous le nom de « Maladie hollandaise ».

L’expression remonte aux années 70 (années 60 selon des sources sur Internet) et fait référence à l'expérience des Pays-Bas où de grands gisements de gaz naturel ont été découverts. À la suite de l’accroissement des recettes d’exportation de gaz, la devise hollandaise s’est appréciée – le prix des produits fabriqués en Hollande a augmenté – et le secteur manufacturier s’est effondré.

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper est en train de suivre les mêmes politiques irréfléchies dont les Pays-Bas ont été victimes il y a près de 50 ans. Nous devons tous nous rappeler que lorsque l’essor du secteur des ressources prendra fin, les emplois manufacturiers bien payés prendront du temps à renaître.

L’incapacité d’appliquer les principes élémentaires du développement durable se trouve au cœur des politiques économiques à courte vue de M. Harper.

Dans plusieurs cas, les conservateurs refusent simplement d’appliquer les lois environnementales déjà en place – Loi sur la protection des eaux navigables, Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, Loi sur les pêches.

Dans d’autres cas, ils ne veulent même pas considérer quelles responsabilités relèvent de la compétence fédérale – tel l’impact de l’extraction des ressources sur les Premières Nations et ses effets cumulatifs sur la santé.

En résumé, les conservateurs permettent à quelques industries influentes de se servir de notre eau, de notre air et de notre sol comme d’un dépotoir gratuit sans limites.

Les profits tirés de pareil modèle d’activité ne seront jamais des profits réels.

Il y a des principes fondamentaux que les conservateurs refusent d’appliquer – l’utilisateur-payeur, le pollueur-payeur et l’intégration des coûts environnementaux à la durée de vie du produit.

Par exemple, dans presque toutes les provinces du pays, lorsque vous achetez des pneus, vous payez un tarif de 3 à 5 dollars par pneu pour couvrir leur coût de recyclage.

Ce n’est que justice. Pourquoi les gens qui n’ont pas d’auto devraient-ils payer pour le recyclage des vieux pneus de ceux qui en ont?

Ou encore, quelqu’un vous apprend qu’il vient juste de construire une nouvelle usine. Il vous montre ses états financiers. Il vous dit qu’il fait des profits rondelets.

Mais lorsque vous allez visiter son usine, vous vous rendez compte qu’il déverse dans une rivière, derrière ses installations, tous les déchets découlant du processus de fabrication, plutôt que de payer pour qu’ils soient traités convenablement.

Aussitôt, vous voyez bien que cette usine n’est pas rentable, parce que les coûts de production ne reflètent pas les véritables coûts engendrés.

Les conservateurs de Stephen Harper permettent à des compagnies privées de mener leurs affaires exactement de cette manière, et de le faire à grande échelle.

Cette politique en matière d’environnement est mauvaise. En matière d’économie, c’est nuisible. Il faut que cela cesse.

À la lumière des échecs de ce gouvernement conservateur, nous ne devrions pas trop nous surprendre du rapport du vérificateur général, cette semaine. Il s’en prend à la mauvaise gestion du gouvernement dans le dossier de l’achat d’avions de chasse F-35.

Au même moment où les conservateurs ignorent à répétition les principes du développement durable, ils ignorent aussi les principes élémentaires d’une administration saine des fonds publics.

Les dépenses militaires – comme celles de tous les travaux publics – devraient être faites en respectant des étapes essentielles : identifier les exigences, lancer un appel d’offres et choisir le soumissionnaire le plus compétent au coût le moins élevé.

À la place, ce gouvernement a non seulement présumé de l’issue du processus avant même qu’il ne commence, on apprend maintenant que tout en sachant depuis le début quel avion il allait privilégier, il savait que le F-35 ne répondait pas à l’énoncé de ses propres besoins.

Même s’il fixe lui-même les règles du jeu, il s’arrange encore pour faire des erreurs.

Tout ceci nous amène à nous poser des questions: comment tourner la page ? Comment répondre aux aspirations des Canadiens à l’endroit de leur gouvernement ?

Je l’ai souvent dit : les conservateurs aiment se vanter d’être de bons gestionnaires, mais, en réalité, leur incompétence en administration publique est abyssale.

La raison en est simple : ils détestent l’idée d’un gouvernement.

Il est difficile de s’intéresser à la manière de rendre les services publics plus efficaces quand on ne croit pas en l’utilité des services publics.

C’est pourquoi, lorsque vient le temps de réviser les enveloppes budgétaires, les conservateurs utilisent une machette rouillée plutôt qu’un scalpel – ils retranchent aveuglément des services plutôt que de prendre le temps de trouver le gaspillage et l’inefficacité dont ils aiment tant parler.

Ainsi, notre première tâche est de convaincre les Canadiens que les néo-démocrates seront des administrateurs publics compétents.

Je reconnais que ce n’est pas le slogan de campagne le plus excitant, mais, après 35 ans au service de l’intérêt public, j’ai un bon bilan à présenter en fait d’administration publique.

En plus de restaurer ses compétences fondamentales, nous devons aussi démontrer un véritable respect pour le rôle du gouvernement.

Un gouvernement ne peut pas tout faire. Tout en éprouvant un sain respect pour ses limites, il faut aussi reconnaître que le gouvernement est le lieu de rencontre pour bâtir le Canada meilleur et plus juste que nous voulons tous.

Pas besoin d’aller très loin pour comprendre le rôle constructif que le gouvernement peut jouer dans la construction d’un Canada meilleur – il suffit de considérer un enjeu qui nous est cher à Ottawa: la recherche et l’innovation.

Comme les étudiants de la nouvelle théorie de croissance ici présents peuvent vous le dire, il existe un argument clair et convaincant en faveur du rôle du gouvernement dans la science et l’innovation.

La seule façon de faire prospérer une société est d’accroître le savoir de ses membres, mais on ne peut mettre le savoir en bouteilles et le placer sur des tablettes pour le vendre.

Nos systèmes de brevets et de droits d’auteur tentent de servir d’encouragement pour le secteur privé à investir dans l’innovation, mais ils ne suffisent pas.

Seul le gouvernement peut combler les lacunes.

Le gouvernement peut aussi faire preuve d'un leadership qui procure des dividendes économiques bien au-delà du secteur public.

Durant ma campagne à la direction du NPD, j’ai pris l’engagement de m’assurer que des femmes compteraient pour 50 pour cent des nominations aux conseils de direction des sociétés de la Couronne et des agences gouvernementales, et de mettre le secteur privé au défi d’en faire autant.

Certains vont dire : pourquoi toutes les nominations ne reposeraient-elles pas sur le mérite ?

Dans les faits, les statistiques les plus récentes nous disent que 83 pour cent des administrateurs des sociétés de la Couronne canadiennes sont des hommes.

Ce n’est pas parce qu’il n’y a qu’une seule femme qualifiée pour 5 hommes qui le sont.

Qu’il s’agisse des femmes, ou de tout autre groupe, chaque fois qu’un membre de notre société ne peut apporter sa contribution au meilleur de ses capacités, cela nous affaiblit – socialement et économiquement.

Les objectifs d’égalité et de prospérité ne sont pas aussi éloignés l’un de l’autre qu’on peut parfois le croire. Au contraire, ils vont souvent de pair.

Nous sommes fortement en faveur d’un Canada plus prospère, mais d’un Canada plus prospère pour tous.

En tant qu’opposition officielle – et en tant que parti politique – nous allons poursuivre nos efforts pour présenter la vision d’un Canada juste, sain et prospère.

Ensemble, nous pouvons bâtir un Canada plus juste et un monde meilleur.